Il était une fois, trois poules : Josette, Colette, Bernadette qui habitaient un très joli poulailler, un grand nichoir à l’abri du vent, de la paille bien sèche et une grande étendue d’herbe verte faisaient d’elles les poules les plus heureuses de la terre. Tous les jours après leur ponte, elles se réunissaient pour discuter assise chacune sur le nid. Elles caquetaient ainsi des heures durant de la météo, du prix des grains de mais ou des oeillades du coq voisin.
Tu crois qu’un jour, il me dira « T’as de beaux oeufs tu sais » plaisantait Josette. Elles s’amusaient bien, gloussaient beaucoup, parfois ces discussions
prenaient des allures plus sérieuses car toutes trois aimaient également parler philosophie ou encore littérature. De tôt le matin à tard dans la nuit ainsi pouvaient-elles refaire le monde des heures durant jusqu’à ce que le sommeil les emporte vers de doux rêves peuplés de quignons de pain dur et d’épis
de maïs à grignoter. Ainsi vivaient-elles en parfaite harmonie sans aucune prise de bec.
Par une belle matinée de printemps alors que toutes trois devisaient tranquillement en profitant des premiers rayons du soleil, elles entendirent gratter au portail, surprises elles dressèrent leur tête, aucune visite ne semblait être prévue aujourd’hui..
J- Heu!! Qui êtes-vous? S’inquiéta d’abord Josette
Une voix douce et rassurante perça le silence.
— Je suis un renard, je peux entrer ?
Josette, Colette et Bernadette se regardèrent interloquées
C- Heu!!! Un renard ? Vous avez dit? répondit Colette.
— Oui répondit-il, je suis un gentil renard
B- Heu, ben disons que oui ben que …» fit Bernadette
— disons que quoi? Insista le renard
B- Heu, heu ! Vous êtes un renard donc ben… dit Bernadette
— Donc quoi ? Je ne comprends pas, dit le renard
J- Ben si on vous laisse entrer, ben vous allez nous manger quoi ! Voilà c’est aussi simple que ça… voilà, affirma Josette.
— Vous mangez mais non ! Mais qu’est- ce qui vous fait croire ça, répondit le renard
J- Eh, oh, eh ! Nous prenez pas pour des jambons, on est des poules. S’écria Josette
— Non, je n’ai pas faim, je vous assure, dit le renard.
C- Eh, oh, eh ! Attendez ! on connait les fables de la Fontaine, à chaque fois ça finit mal dans ce genre de situation, ça va hein, renchérit Colette.
B- C’est vrai que rien que d’y penser, s’écria Bernadette.
C- Ca donne la chair de poule, répliqua Colette pour tenter de détendre l’atmosphère.
Raté. L’heure n’était pas à la plaisanterie
Le renard reprit
— Mais les fables de la Fontaine ce sont des histoires inventées par un humain pour parler à des humains. Là ça n’a rien à voir, je suis juste un gentil renard et je vous demande de rentrer.
J- Mais attendez heu !!! D’abord. Pourquoi vous voulez rentrer ? Est-ce-que vous êtes en danger?
J- Quelqu’un vous veut du mal et vous demandez de l’aide? s’inquiéta Josette.
— Ah Non, ah non, du tout, non, non, tout va bien pour moi.
J- Mais alors pourquoi ? dit Josette.
— Simplement je viens de passer par hasard devant votre poulailler et je vous ai entendu discuter. Vous parliez d’un sujet qui m’intéresse beaucoup. La discussion du jour portait sur l’importance d’être ou de se sentir libre dans la vie, dit le renard.
Bernadette, Colette et Josette étaient friandes de ce genre de thématique sur lesquelles elles aimaient réfléchir des heures.
C- Ca vous intéresse, répondit Colette et pourquoi donc?
— Bien voyez, moi, par exemple, je pensais que j’étais libre mais si vous ne me laissez pas rentrer, eh bien ça veut dire que je ne le suis pas vraiment? dit le renard.
Prises à leur propre piège les trois poules restèrent tout d’abord silencieuses
Puis Colette osa
C- Eh ben disons que là, il nous a bien clouées le…
J- Mais vous dîtes n’importe quoi Monsieur le Renard, dit Josette,
J- poursuivez votre route vous êtes trop dangereux.
— Attendez, je dis n’importe quoi ! Expliquez-moi.. et ma liberté ? Que faîtes- vous de ma liberté?
— Pourquoi vous m’empêchez d’aller là où je veux ? Implora le renard
Le doute commença à poindre dans le regard de Colette et Bernadette
– Ben, si, si c’est vrai que là il n’a pas tort-quoi. C’est vrai qu’il y a aucune raison de l’empêcher d’accéder à ce terrain. Le renard est libre après tout, bon ben.
J- Mais attendez! la liberté du renard dans le poulailler, vous y croyez-vous, s’inquiéta tout de même Josette.
Les trois poules immobiles dressées sur leurs pattes semblaient dans l’incapacité de prendre une décision.
— Eh bien, vous n’avez qu’à voter! s’exclama le renard.
C- Voter, c’est-à-dire voter, lui répondit Colette
— Eh bien, chacune d’entre vous décide si elle est pour ou contre la liberté ?
J- Attendez. Non si elle est pour ou contre votre liberté »reprit Josette
— Oui, enfin voilà, bon comme vous voulez l’important c’est que vous soyez libres de votre choix n’est-ce-pas. Ah ! Ah ! Conclut le renard
Les trois poules semblaient de plus en plus perdues et désemparées.
B- Bon ben, on fait ça? Questionna Bernadette
J&C- Ben oui, allons y quoi essayons, répondirent les deux autres.
Bernadette organisa
B- Bon ben, on prend cette mangeoire pour faire une urne et puis on dit
Petit caillou noir = on le laisse rentrer
Petit caillou blanc- on le laisse dehors
Chacune partit alors à la recherche de ce petit bulletin de vote bien particulier et puis une fois débusqué, alla le déposer dans une petite écuelle.
B- Bon, ben il reste plus qu’à compter, s’exclama Bernadette.
Le résultat était net 2 petits cailloux noirs et 1 petit caillou blanc
Bernadette soupira
B- Bon enfin bon, vous avez gagné, bon ben voilà, on va vous laisser rentrer quoi, annonça- t-elle avec une voix peu rassurée
— Merci vous avez agi avec une grande sagesse, répondit calmement le renard.
Timidement Josette s’approcha du portail et s’empara de sa poignée à peine était-il entrouvert que le renard toutes canines dehors, babines retroussées se rua sur elles dans un mouvement enragé.
Bernadette et Colette eurent d’abord un mouvement de recul puis restèrent pétrifiées devant la voracité du renard.
Josette de son côté tenta de fuir mais sentit des crocs lui agrippant la patte. Alors Colette prit son courage à deux ailes et se rua sur l’arrière train du renard, une fois à sa portée lui asséna de grands coups de bec, furieux le renard se retourna brusquement laissant à Josette le temps de fuir pour se réfugier dans le nichoir.
Pas le temps pour le renard de reprendre son souffle Bernadette se précipita sur son dos et s’agrippa à son pelage, surpris il tenta de s’en débarrasser en
secouant de toutes ses forces mais Bernadette s’agrippa de plus belle et commença à lui becqueter les oreilles.
Paniqué ne sachant plus où donner de la tête, le renard n’eut d’autres solutions que faire demi-tour sous le caquètement joyeux des trois amies.
Alors qu’au loin on le voyait s’enfoncer piteusement dans le sous-bois, Josette, Colette et Bernadette tentèrent de se remettre de leurs émotions. Bernadette mis quelque temps à se relever,
Colette remit de l’ordre dans son plumage. Josette passa timidement la tête par la porte du perchoir.
B- Eh ben, s’écria-t-elle
B- C’est une bonne leçon de philosophie que nous avons prise aujourd’hui soupira Bernadette.
C- Ah, oui laquelle? se demanda Colette.
B- Eh ben, disons que parfois la liberté du plus fort opprime celle des plus faibles. Une leçon à méditer pour toutes les petites poules et les tous jeunes coqs au risque de se faire dévorer tous crus. Répondit Bernadette.
J- On a aussi appris autre chose si je peux me permettre, ajouta Josette.
B- Ah ! Oui quoi donc? Questionna Bernadette.
J- Eh bien qu’en toute circonstance l’union fait la force, répondit fièrement Josette
En effet, une leçon toujours utile lorsqu’on veut éviter de se faire plumer..
Du chroniqueur de France Inter Guillaume Meurice.