Version courte (je me demande…) Au depart je comptais ne parler que des camps d’internement d’italiens mais au cours de mes recherches j’ai été passionné par le transsaharien et son histoire un peu liée quand même aux camps puisque des internés ont participé à sa construction.
Mon grand-père était italien et en 1939 il vivait au Maroc depuis longtemps, c’est là qu’ils se sont connus avec ma grand-mère et se sont mariés.
Il tenait à garder sa nationalité italienne et cela lui à causé quelques désagréments vu qu’il était considéré par le protectorat français comme faisant parti des forces de l’axe.
Je ne pense pas qu’il fut fasciste mais pour affirmer son patriotisme, il a même été décoré en ayant déjoué un complot pendant la guerre en Lybie, il avait arboré un drapeau italien sur la maison qu’ils habitaient dans la rue des Acacias, quartier Beausejour à Casablanca. Il faut dire que Mussolini était populaire chez les italiens à l’époque.
C’est peut-être à cause de ce drapeau qu’il a été considéré comme « indésirable » et interné dans un camp pour civils. Sa sœur Linda qu’on appelait tsia Linda à été elle aussi internée dans un camp.
On trouve peu d’informations sur les camps d’internement de civils italiens au Maroc , voici donc ce que j’ai trouvé au fil des sites et forums. Le sujet n’était pas abordé du vivant de mon grand-père et même mon oncle, il avait 12 ans à l’époque, n’a pas beaucoup de souvenirs de cette période. Mon père, je ne sais pas, et il n’est plus là pour m’en parler.
Un peu d’Histoire
- Le 22 juin 1940, le Premier ministre français Paul Reynaud se rend à l’Allemagne et l’armistice franco-allemand est signé. Du traité nait une zone d’occupation dans le nord et l’ouest. Dans le sud et sur les territoires français d’Afrique du Nord la France est placée sous l’autorité du gouvernement collaborationniste dirigé par le maréchal Pétain.
Les personnes vivant dans l’Afrique du Nord étaient des musulmans, des Juifs natifs de la région et des européens. À ceux-là il faut ajouter les réfugiés notamment Juifs, venus de partout en Europe. Beaucoup ayant fait le voyage avant l’occupation allemande de la France, donc avant le régime de Vichy. Toutes ces personnes déplacées étaient considérées comme « indésirables » et une bonne partie d’entre elles a été envoyé dans des camps de travail ou d’internement.
- Septembre 1940 L’Italie et l’Allemagne signent le pacte tripartite et forment l’Axe Rome-Berlin-Tokyo.
- Le 8 novembre 1942, les troupes anglaises et américaines débarquent en Afrique du Nord sous le commandement du général américain Dwight Eisenhower. C’est l’opération «Torch». L’Afrique française du Nord libérée reste soumise au régime de Vichy et à toutes ses mesures discriminatoires durant plusieurs mois sous l’autorité de l’amiral Darlan, puis du général Henri Giraud.
- Les alliés se rencontrent du 14 au 24 janvier 1943 à l’hôtel d’Anfa, à huit kilomètres de Casablanca lors d’une conférence. Sont présents Giraud, Roosevelt, de Gaulle et Churchill, voir photo et video : https://youtu.be/l0cojFJ5UYc
Un accord stratégique et militaire, auquel les deux français n’ont pas pris part, est signé afin d’organiser les opérations militaires en Méditerranée. Le conflit entre les généraux français Charles de Gaulle et Henri Giraud n’est pas réglé malgré ce que laisse supposer la fameuse poignée de main.
- 13 mai 1943 Fin de la guerre en Afrique du Nord. Un communiqué allié indique : « Il ne reste aucune force de l’Axe en Afrique du Nord qui ne soit prisonnière entre nos mains. Les derniers éléments des forces de l’Axe se sont rendus le 13 mai à 11 h 45 ». Résultat : 250.000 prisonniers supplémentaires.
- Juillet 1943, peu de temps après commence, avec l’invasion de la Sicile (Opération Husky), la fin de l’Europe occupée par l’Allemagne.
- En septembre 1944, les prisonniers italiens au Maroc sont environ 10.000 répartis en 12 camps. A cause des évènements de 1943 et de la transformation de l’Italie à l’état de co-belligérant* (plus ennemi mais pas tout à fait alliée), la situation changea pour les milliers de prisonniers italiens en Afrique du nord.
Les camps d’Afrique du Nord
En Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Afrique-Occidentale Française, les autorités collaborationnistes de Vichy établissent tout un réseau de camps : camps de travail, d’internement, et pénitentiaires. Y sont détenus des réfugiés européens juifs et non juifs, ceux qui vivaient dans l’Afrique française avant 1940, ceux qui ont été déportés pour travaux forcés dans le Sahara, des prisonniers de guerre alliés et des civils.
Camps du Maroc
En tout, il y avait dans le protectorat français du Maroc, 14 camps de natures diverses regroupant 4000 hommes, dont 500 juifs de diverses nationalités. Tous étaient des camps d’hommes sauf celui de Sidi Al Ayachi, qui comprenait hommes, femmes et enfants. Certains camps étaient des centres de séjour surveillé, vraies prisons réservées aux opposants politiques du régime de Vichy. D’autres étaient des camps de ‘’transit’’, destinés aux réfugiés en instance d’émigration. D’autres encore étaient exclusivement réservés aux travailleurs étrangers. Ou aux juifs. Voir la carte pour la liste des camps et leurs positions géographique.
BERGUENT Le camp de Berguent était exclusivement réservé aux Juifs (155 en juillet 1942 puis 400 en 1943 selon le rapport du CRI).
BOUDENIB Localité de 10 000 habitants, les casernes militaires actuelles sont les derniers témoins de l’ancien camp de l’armée française. Boudnib était composé de Juifs en majorité et de détenus politiques, surtout des communistes. Les prisonniers d’origine italienne composaient l’essentiel des camps de la ville, au 7-9-1944 : 244 internés italiens.
Parenthèse liée à Boudenib : Le général Mohamed Oufkir est le fils d’un notable de Boudenib. Vous vous souvenez ? C’est lui qui organisa le putsch militaire qui a échoué, le 16 août 1972, contre Hassan II. L’avion royal mitraillé revenant de France réussit à se poser.
Oufkir s’est suicidé de quatre balles, trois dans le dos et une dans la nuque et sa famille emprisonnée pendant 20 ans.
BOU ARFA
En 1941, le régime de Vichy étudie le projet d’une voie ferrée à travers le Sahara. Pour la réalisation de ce projet se constitue une nouvelle société, le réseau des chemins de fer Méditerranée-Niger.
Les américains avec l’accord de Franklin Roosevelt ont financé et livré, par l’intermédiaire de la société Caterpillar à hauteur d’un million de $, tous les engins, locomotive et wagons.
Le débarquement américain, en novembre 1942, a mis fin à la poursuite du projet.
À la fin du mois de juillet 1942, le camp de Bou-Arfa abritait 818 personnes : 694 Espagnols, 2 Français, 21 Allemands, 2 Algériens, 19 Autrichiens, 2 apatrides, 11 Italiens, 1 Hongrois, 5 Belges, 1 Roumain, 4 Yougoslaves, 1 Grec, 4 Russes, 1 Brésilien, 2 Hollandais, 1 Cubain, 2 Portugais.
Que reste-t-il du Méditerranée-Niger ? L’Office du Tourisme du Maroc a mis en circulation il y a une dizaine d’années, sur le tronçon existant Oujda-Bou Arfa, » L’Oriental Désert Express « . Pour 305 km, le voyage dure près de 10 heures, quelquefois plus quand il faut désensabler la voie.
Ce train à été utilisé dans le tournage d’un James Bond : » Spectre » avec Daniel Craig.
OUED ZEM
Initialement, c’était un petit camp militaire prévu pour héberger quelque 40 personnes. Mais, après la tentative d’évasion des marins norvégiens et belges de Sidi El Ayachi et leur transfert, il fut transformé en camp civil pouvant recevoir jusqu’à 200 personnes. Le 14 août 1942, l’ensemble des internés se composait de 110 marins norvégiens, 22 marins belges, 22 sujets britanniques, 51 personnes originaires de Tanger, Gibraltar et Malte, 32 nationalités diverses.
SIDI EL AYACHI
Cet ancien camp militaire, situé près d’Azemmour, au sud de Casablanca, à l’embouchure de l’Oum Er-Rebia, fut transformé en camp pour les réfugiés en transit, donc très différent des camps de travail. Il a reçu, à plusieurs reprises, la visite du consul américain à Casablanca dans le but d’y améliorer les conditions de séjour.

Le dénombrement fait le 7 juin 1942 est le suivant : 87 Polonais, 80 Espagnols, 32 ex-Allemands, 16 ex-Autrichiens, 18 Tchécoslovaques. 29 autres «hébergés» se répartissent par unité entre 17 nationalités. Aucun israélite n’y est enfermé.
Moyenne statistique des prisonniers italiens en Afrique Septentrionale entre juin et novembre 1944 :
Prisonniers de guerre italiens aux mains
- Des Anglais : 16.170
- Des Américains : 56.000
- Des Français : 43.000
Internés civils italiens aux mains
- Des Anglais : 127
- Des Américains : 0
- Des Français : 4943
Les prisonniers italiens dans les camps français du Nord de l’Afrique, étaient principalement affectés, en petits groupes, auprès d’ateliers mécaniques, de fermes agricoles et en petites parties, centralisés dans quelques camps en Tunisie, à Constantine, en Algérie, à Oran et à Casablanca.
Après la guerre
Les officiers généraux (Weygand, Giraud, Noguès) durent rendre des comptes. Les fonctionnaires et militaires français (Viciot, Caboche, Lupy, Liebray, De Ricko) cruels bourreaux responsables de sévices et de tortures parfois mortelles infligés aux internés, échappèrent à toute condamnation. Ils ont réussi à jeter un voile sur leur passé de tortionnaires et ont repris le cours normal de leur carrière sans avoir rien renié.
Sources : http://www.philafrica.be/web-maroc/maroc/prison_italien.htm
http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2004.chibrac_l&part=184517#Noteftn429
https://www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1992_num_1158_1_1894
https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/labor-and-internment-camps-in-north-africa
https://www.cairn.info/revue-revue-d-histoire-de-la-shoah-2013-1-page-227.htm#
* en guerre contre le même ennemi qu’un état ou une coalition de pays sans pour autant avoir signé un traité d’alliance.
Christian Loverde
http://bit.ly/CLoverde